• Wonder Woman : Warbringer

     

    Auteur : Leigh Bardugo
    Éditeur : Bayard
    Année de parution : 2017
    Format : broché
    Genre/thématique : super héros
    Nombre de pages : 589
    Tranche d'âge : à partir de 14-15 ans

    Un jour, elle sera la plus grande superhéroïne de tous les temps : Wonder Woman. Mais elle n'est encore que Diana, 17 ans, princesse des Amazones. Quand un bateau explose au large de son île, Diana porte secours à la jeune Alia, bravant ainsi l'interdiction faite aux Amazones d'accueillir des humains parmi elles. Et Diana pourrait le payer d'autant plus cher qu'Alia est une Warbringer : descendante d'Hélène de Troie, elle fait souffler partout un vent de discorde. Ensemble, de New York à la Grèce, les deux jeunes filles vont pourtant tenter de contrer la malédiction qui pèse sur Alia.

    Le premier opus d'une fascinante saga littéraire sur l'apprentissage des plus célèbres superhéros

    Merci à l'équipe Babelio et aux éditions Bayard pour leur confiance.

     

    Je ne me suis jamais vraiment intéressée à Wonder Woman, la trouvant un peu ringarde dans les dessins animés de mon enfance avec sa grosse culotte à étoiles, et je trouvais ses pouvoirs en dessous de ceux de ses acolytes masculins.

    J'ai découvert, grâce à ce roman, une femme forte, courageuse, respectueuse, avec de vraies valeurs; tout ceci malgré le fait qu'elle n'est pas encore dans cette histoire la Wonder Woman connue de tous. Et malgré cela, malgré également son éducation sur une île surprotégée, elle est une adolescente comme les autres, complexée et à la recherche de sa place dans la communauté amazone. Je remercie d'ors et déjà Leigh Bardugo de m'avoir réconciliée avec le personnage.

    L'ambiance sur l'île de Thémyscira est captivante : le décor antique, les légendes, la droiture et les principes des Amazones... Pourtant, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre; je pense que c'est dû au fait qu'on est immédiatement plongé dans l'action, sans réelle présentation de l'héroïne. Le rythme du livre est un peu trop rapide au début. Par contre, c'est un plus pour la suite car je n'ai relevé aucun temps mort. Il y a beaucoup d'actions et de rebondissements. Même si Diana est quasiment invincible, on a peur pour ses compagnons mortels et fragiles. J'ai trouvé que le duo querelleur Nim/Théo fonctionne très bien. Certains échanges cinglants m'ont fait sourire. J'aurais aimé qu'Alia ait une personnalité un peu plus complexe, mais c'est un détail.

    Le mélange entre l'antique et le moderne est réussi avec cette omniprésence des Dieux et l'importance que les légendes ont dans la mission des adolescents. De manière générale, j'aime tout ce qui touche à la mythologie grecque et j'ai senti que le sujet était bien maîtrisé par l'auteure. Certains épisodes de New York m'ont moins passionnée, mais c'est vite effacé avec le départ pour la Grèce et tout ce qui va en découler...

    Je ne vous en dis pas plus et vous laisse découvrir par vous-même cette histoire dynamique aux multiples rebondissements et son héroïne puissante et indomptable.

     

    Note :

          Elle venait d'échapper à la noyade et paraissait aussi solide qu'une brindille, mais elle déclinait poliment l'aide qu'on lui proposait. Voilà qui forçait le respect. Seulement, si elle mettait un point d'honneur à se débrouiller seule, elle n'allait sans doute pas apprécier la prochaine suggestion de Diana :
           - Grimpe sur mon dos.
           La jeune fille fronça les sourcils.
           - Hein? Pourquoi?
           - Parce que je doute que tu arrives à escalader la paroi.
           - Il n'y a pas de chemin?
           - Non, mentit Diana.
           Elle présenta son dos à la mortelle et lui fit signe de s'installer, ce qu'elle fit en silence. Diana saisit ses cuisses, rectifia sa position et déclara : 
           - Accroche-toi bien.
           Les bras de la jeune fille se contractèrent comme un étau autour de son cou.
           - Hé! Pas si fort! s'étrangla Diana.
           - Oups, fit l'autre en desserrant son étreinte. Pardon.
           Diana s'élança au petit trot.
           - Tu peux ralentir? lui demanda la fille. J'ai envie de vomir.
           - Vomir? répéta Diana, interdite.
           Elle passa mentalement en revue ce qu'elle savait des fonctions corporelles des humains. Tout à coup, cela lui revint.
           - Retiens-toi! s'exclama-t-elle en réduisant l'allure.
           - Ne me lâche pas! rétorqua la fille.
           - Ne t'en fais pas. Tu pèses à peu près aussi lourd qu'une paire de sandales.


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  • Le dernier train

     

    Auteur : Amélie Romarin
    Éditeur : Edilivre
    Année de parution : 2017
    Format : numérique
    Genre : romance
    Nombre de pages : 122
    Tranche d'âge : à partir de 15 ans

    (Rédigé par moi-même)

    Lindsay est une jeune femme belge qui décide brutalement de quitter le foyer familial et la Wallonie. Elle laisse derrière elle sa mère, sa sœur et son petit ami (devenu dès lors son ex) qui ont tous du mal à comprendre sa réaction.
    Fraîchement débarquée à Ostende, elle tente de trouver du travail et de mener une vie normale. Mais au cours d'une soirée autour d'un verre, un de ses nouveaux collègues se montre trop entreprenant. Un parfait inconnu va alors venir en aide à la jeune femme...

     Bienvenue en Belgique!  L'aventure de Lindsay se passe dans un contexte social et politique que l'auteure rappelle avec beaucoup d'humour : la guéguerre entre Wallons et Flamands. Ayant moi-même fait un court séjour à Bruxelles il y a peu, je peux affirmer que cette inimitié est bien ancrée dans le pays. Puisque l'héroïne de ce roman passe d'une région à l'autre, elle va être confrontée à ce clivage mais s'en sortir avec brio.
    Mais le sujet principal de ce roman est tout d'abord la recherche de soi. Ayant vécu des épreuves moralement difficiles, Lindsay étouffait dans son quotidien et a eu le besoin de s'échapper. Elle se retrouve seule dans une ville inconnue mais retombe vite sur ses pieds car elle refuse de se laisser aller et de dévoiler sa détresse émotionnelle. Cette partie de l'histoire, qui occupe la majeure partie du roman, est assez bien développée.
    Étonnamment, malgré sa volonté de se reconstruire, Lindsay tombe dans les bras d'un parfait inconnu quelques jours seulement après son exil. Elle va presque instantanément se confier à lui, et lui en fera de même. A partir de là, j'ai été déstabilisée : se laisser aller aussi vite avec quelqu'un qu'elle ne connaît pas ne me semble pas "logique" dans la ligne de conduite de Lindsay. Pour que cette rencontre ressemble à un coup de foudre ou un sauvetage affectif, il aurait fallu qu'on puisse accéder d'avantage aux pensées, aux émotions et à l'intimité des deux protagonistes. Or, on reste spectateurs jusqu'à la fin, malgré un récit écrit à la première personne. A un moment, Matthias sous-entend qu'il a des problèmes relationnels avec son père mais qu'il hésite à en dire plus pour ne pas donner l'impression que ses problèmes sont futiles; le fait d'en rester là donne au contraire ce sentiment de futilité. Dans la même lignée, l'histoire d'amour entre Matthias et Lindsay ne m'a malheureusement ni touchée ni émue car on ne nous expose jamais leur émotions (que ce soit la détresse dans laquelle ils étaient probablement avant leur rencontre ou le bienfait qu'elle leur procure).

    Pour un premier roman, "Le dernier train" est néanmoins intéressant car la plume de l'auteure est agréable et soignée, et la fin ouverte est une promesse de nouveau départ et de pardon pour l'héroïne.

     

    Note

           A mon réveil, il était 17h. Ma sœur avait répondu à mon message : "Contente que tout se passe bien pour toi. A tantôt". J'ai allumé mon ordinateur et j'ai ouvert Skype. Miracle! Ma sœur était connectée! Je l'ai appelée.
       - Salut, a-t-elle dit d'un ton maussade.
       - Hey! Comment tu vas? ai-je demandé sur un ton faussement enjoué, étant mal à l'aise vis-à-vis de son humeur.
       - A ton avis?
       - D'accord... Tu m'en veux, c'est ça?
       - J'aimerais te comprendre, je t'assure. Mais j'y arrive pas. T'avais la haine contre ton parrain quand il nous a bannis de sa vie mais tu réalises que tu fais la même chose là?

           Ouille. Gifle en pleine gueule. Que répondre à ça?

       - J'en ai besoin, Judith. Et, moi au moins, je donne de mes nouvelles. Et je reviendrai peut-être.
       - Oui mais tu ne donnes des nouvelles qu'à moi.
       - C'est mieux que rien, non?
       - Oui...

           C'était un "oui" qui voulait dire "non" en réalité. Je la voyais déjà me dire que je me trouvais des excuses, mais je ne m'en inventais pas! Je sais que c'est difficile à avaler et je ne m'attends pas à ce qu'on me comprenne. Mais j'en ai BESOIN!


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  • La maison des reflets

     

    Auteur : Camille Brissot
    Éditeur : Syros
    Année de parution : 2017
    Format : broché
    Genre : science-fiction
    Nombre de pages : 352
    Tranche d'âge : à partir de 15 ans

    Depuis 2022, les Maisons de départ ressuscitent les morts grâce à des reflets en quatre dimensions qui reproduisent à la perfection le physique, le caractère, et le petit je-ne-sais-quoi qui appartient à chacun. Les visiteurs affluent dans les salons et le parc du manoir Edelweiss, la plus célèbre des Maisons de départ, pour passer du temps avec ceux qu'ils aimaient. Daniel a grandi entre ces murs, ses meilleurs amis sont des reflets. Jusqu'à ce qu'il rencontre Violette, une fille imprévisible et lumineuse... Bien vivante.

     Voilà un livre qui aborde un sujet délicat qui touche la sensibilité de chaque lecteur : la mort.

    Daniel est un adolescent qui la contemple tous les jours : son père est propriétaire d'une maison de départ. Il "vit" donc avec sa mère morte, son grand-père mort, et ses meilleurs amis sont des reflets qu'il n'a même jamais connus de leur vivant puisqu'il n'est jamais allé au-delà des frontières de la demeure. Glauque, n'est-ce pas? Cette ambiance malsaine et fascinante à la fois enveloppe tout le roman et finit d'installer le décor. J'avais parfois l'impression d'être dans une histoire de Tim Burton. Je trouve d'ailleurs que l'histoire se prête plus à un univers steampunk que futuriste, mais c'est un détail.

    Malgré son contexte familial particulier, Daniel est un adolescent comme les autres : à la fois sensible et révolté, rancunier envers un père dévoué à son travail. Rencontrer Violette lui fait voir le monde sous un jour nouveau. Elle est douce, rêveuse et franche; un personnage qu'on apprécie très vite et qui va évidemment obnubiler le jeune homme. Pourtant, mon personnage favori est indéniablement Madame Elia, la gouvernante stricte mais bienveillante. C'est également la seule qui est contre les maisons de départ et les reflets.

    Par la suite, on a un peu de mal à comprendre dans quelle direction l'auteur veut nous emmener : entre les conversations épistolaires avec Violette, les péripéties dans la maison et les secrets qu'on cache à Daniel depuis toujours, on ne sait pas exactement quel est le fil conducteur de l'histoire. Les lettres échangées prennent finalement le dessus sur le reste aux deux tiers du roman. Malheureusement, le mystère qui se cache dessous se devine à des kilomètres. Malgré l'ambiance particulière que j'ai vite appréciée, le reste du roman n'offre pas beaucoup de surprises ou de rebondissements.

    Le sujet reste des plus intéressants et suscite énormément de débats. Si vos proches décédés pouvaient "reprendre vie" sous forme de reflet, tenteriez-vous l'expérience?

     

    Note

     

           La pièce se transforme, les cloisons s'effacent, la luminosité fluctue. Je suis au centre d'un antique cirque romain, dans un pays écrasé par le soleil. A quelques mètres de là, la mer lèche la plage dans un doux clapotis. Mes yeux s'attachent au vol gracieux d'une mouette. Non, trop estival pour mon humeur. Mon index glisse sur l'écran, sélectionne un autre décor. La mer disparaît, remplacée par une nuit sans fin. Au-dessus de moi, les étoiles dessinent des constellations que je tente de reconnaître. Il n'y a plus d'autre bruit que celui du vent qui effleure les hautes herbes de la lande alentour. Je m'assieds sur la première marche des gradins, transformés en un cercle de pierres inspiré de ruines celtiques, et je prononce à haute voix plusieurs noms : Elliott, Mona et Matthias.
           Elliott est le premier à se montrer. Sa silhouette fluette se découpe en ombre chinoise sur la toile nocturne, en haut de l'amphithéâtre.
         - Salut, Dan!
         - Salut, mec.
           Sa voix me paraît plus enfantine que d'habitude. Il est vêtu d'un jean trop large pour lui et d'un tee-shirt rayé. Sa peau semble encore plus pâle à la lueur des étoiles. Il m'adresse un large sourire, dévoilant ses dents du bonheur, descend les marches et se laisse glisser dans l'herbe.
           Elliott avait huit ans quand il est mort, renversé par un chauffard sur le chemin de l'école. Je me souviens de la joie que j'ai éprouvée lorsque mon père a créé son reflet... C'était la première fois que je me  retrouvais quelqu'un de mon âge. On est tout de suite devenus les meilleurs amis du monde.


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  • Le complot du trident

     

    Auteur : Tristan Koegel
    Éditeur : Didier Jeunesse
    Année de parution : 2017 (octobre)
    Format : numérique
    Genre : historique, policier
    Nombre de pages (en format papier) : 192
    Tranche d'âge : à partir de 12 ans

    Dans le port d’Ostie, le trafic maritime est bloqué par un navire inconnu.

    Publius et son neveu Lucius enquêtent. Ils ne vont découvrir à son bord que des cadavres, morts de la peste. À leur cou, un pendentif en forme de trident. Rome est menacée et la peste n’est que le premier fléau infligé à la ville et à ses habitants. Une enquête haletante débute pour le duo…

    Merci à NetGalley et aux éditions Didier pour leur confiance.

     

    Dans ce roman, nous sommes plongés dans une sombre affaire de meurtre au cœur de la Rome Antique. Qui a tué l'empereur? Y aurait-il un lien avec ces cadavres découverts sur le bateau d'Ostie? Et que signifient ces symboles de trident aperçus sur les murs de la cité et au cou de plusieurs individus?

    Tristan Koegel nous plonge dans une enquête palpitante, avec de multiples rebondissements, interrogations, révélations, etc. C'est un plaisir de voir les héros évoluer dans cette cité antique où le décor est bien planté (les rues, le port, le palais, la prison, etc) et où on perçoit l'omniprésence des dieux et la peur qu'ils suscitent. C'est une joie de se suivre les pérégrinations de Lucius et de son oncle, entre ville et campagne. L'auteur semble avoir couché les mots sur le papier avec une facilité déconcertante.
    Lucius est un jeune homme instruit et courageux. D'abord dans l'ombre de son oncle Publius, très charismatique, il va finalement se débrouiller seul et le faire plutôt bien. J'apprécie énormément Publius : il est franc, très intelligent, perspicace et possède un superbe sens de la répartie. Lucius, comme tout adolescent normalement constitué, se laisse plus dominé par ses sentiments, quitte à commettre des erreurs de jugement.
    Certaines révélations de la fin sont devinables à l'avance, ce qui ne l'empêche pas d'être théâtrale et explosive.

    C'est un livre que je n'avais pas prévu de lire et que j'ai choisi un peu par défaut, mais le hasard a très bien fait les choses. J'ai adoré cette lecture et la recommande chaudement.

     

    Note


          Publius et Lucius rejoignirent rapidement le navire et se hissèrent à bord. L'odeur infecte qui s'en dégageait était insupportable, mais ça ne semblait pas contrarier l'enquêteur. Pour Lucius, c'était autre chose. Il se couvrait le nez pour empêcher la nausée qui lui piquait la gorge de remonter. C'est que, en plus de l'odeur, il avait maintenant devant lui les chairs putrides des cadavres entassés sur le pont. Il distinguait ça et là des membres couverts de plaques et de pustules, des corps pétrifiés dans leur agonie. Certains marins avaient le visage figé dans une abominable grimace. D'autres avaient le ventre aussi gonflé que si on leur avait fait boire de force une amphore tout entière. Lucius ne put se retenir plus longtemps et vomit par-dessus le pont.
       "Enfin, Lucius! Maîtrise-toi un peu!
       - Je voudrais bien, oui... répondit le jeune homme tandis que son oncle inspectait minutieusement chaque corps. Qu'est-il arrivé à ces pauvres marins?
       - Regarde, du sang a coulé de leurs narines..."
           Du bout de sa sandale, Publius repoussa la nuque du cadavre qu'il venait d'enjamber et la tête du mort se tourna. Devant son rictus macabre, Lucius sentit à nouveau des remous dans son estomac.
       "Tu as vu sa langue? Elle est blanche. C'est la peste. Ils sont tous morts de la peste! A moins que... Ressaisis-toi, Lucius! J'ai besoin de toi.


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  • Inséparables

    Auteur : Sarah Crossan
    Éditeur : Rageot
    Année de parution : 2017
    Format : broché
    Genre / thématiques : drame, vie quotidienne
    Nombre de pages : 416

                                                            Grace et Tippi. Tippi et Grace.
                                                            Deux soeurs siamoises, deux ados inséparables,
                                                            entrent au lycée pour la première fois...

                                                            Elle me dit : "On peut aller au lycée,
                                                            et avoir un boulot,
                                                            et conduire une voiture et nager et partir en rando.
                                                           Tu sais que je te suivrai
                                                           n'importe où, Gracie.
                                                           Tout ce que tu veux,
                                                           dis-le-moi,
                                                           et on le fera.
                                                           On peut tout faire,
                                                           Ok?"

                                                           Je lui réponds : "Ok."

                                                          "Mais ce qu'on ne pourra jamais,
                                                                        jamais faire,
                                                                       c'est tomber amoureuses.
                                                          C'est clair?"

     

    Voilà un roman bien singulier, dans le fond comme dans la forme. Les rayons de littérature ado/young adult débordent d'histoires d'adolescents malades, handicapés, différents, etc. C'est la première fois qu'on a affaire à des siamoises (en tout cas, à ma connaissance).

    Si vous avez peur que le roman tombe trop dans le pathos, avec des personnages qui se plaignent tout le temps à cause d'une malformation mal décrite dont l'auteure ne connaît absolument rien, soyez rassurés. Sarah Crossan explique qu'elle s'est longtemps documenté avec des témoignages de siamois, de leur famille et de leurs médecins. Résultat, on lit un roman simple, sans fioriture, avec des héroïnes qui ont conscience de leur différence mais qui ne comprennent pourquoi est-ce tant un problème pour les gens "normaux". L'auteure a une telle aisance avec son sujet et avec sa plume qu'on se met aisément à la place de Tippi et Grace; on ressent la même angoisse qu'elles à l'idée d'aller étudier dans un établissement public, la même incompréhension face à certaines réactions, la même gêne face aux sacrifices faits par leur famille, etc. C'est captivant du début à la fin!

    La forme du texte, en vers libres, donne une vraie clarté au texte, une importance à chaque mot qui le composent. On n'est jamais décontenancé par cette forme inhabituelle qui donne une musique, un sens poétique au récit. Il n'y a pas de grandes péripéties ou de situations rocambolesques, mais ce livre n'en a nul besoin. Le récit du quotidien des deux sœurs est tellement bien abordé qu'il suffit à construire une histoire passionnante. J'ai même trouvé l'historie d'amour complètement secondaire.

    Malgré leur statut de jumelles, Grace et Tippi ont une personnalité très différente, ce qui les rend chacune attachante à leur façon et qui nous fait tant redouter l'issu de l'histoire... Je donnerai peu de détails à ce sujet pour ne pas spoiler les futurs lecteurs. Je dirai simplement que c'est une fin intense, ouverte, en quelque sorte, car on a peu d'éléments nous laissant deviner l'avenir des personnages. C'est aussi à ce moment que le titre prend tout son sens.

    Inséparables est un roman coup de poing, original et brillant. C'est un bel ode à la tolérance et à l'amour filial.

     

    Note

     

                                        Qu'est-ce que la mocheté?

                                         J'ai été dans tellement d'hôpitaux, j'en ai vu des
                                            horreurs :
                                         un gamin au visage à moitié fondu,
                                         une femme au nez arraché, aux oreilles
                                         pendantes
                                                   comme des tranches de bacon.

                                         C'est ça que les gens appellent moche.

                                         Pas moi.

                                         J'ai appris à être moins cruelle que ça.

                                         Mais je sais ce que Tippi veut dire.

                                         Les gens nous trouvent grotesques,
                                         surtout de loin,
                                         quand ils nous voient comme un seul être,
                                         ces deux corps distincts
                                                    qui se confondent,
                                                    tout à coup,
                                                    à la taille.

                                         Mais si on nous prenait en photo, juste tête et épaules,
                                         à partir de ces portraits,
                                         la seule chose que les gens remarqueraient, ce serait
                                            qu'on est
                                            jumelles,
                                                    l'une - moi - les cheveux mi-longs,
                                         l'autre -Tippi -un peu plus courts,
                                         le nez retroussé toutes les deux,
                                         sourcils exactement circonflexes.

                                         C'est vrai qu'on est différentes.

                                         Mais moches?

                                         Allez.

                                         Me faites pas rigoler.


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