• 06h41

    Auteur : Jean-Philippe Blondel
    Éditeur : Pocket
    Format : poche
    Date de parution : 6 mars 2014
    Genre / thématique : littérature générale
    Nombre de pages : 160
    ISBN : 9782266242349

    Le train de 06h41, départ Troyes, arrivée Paris. Bondé, comme tous les lundis matins. Cécile Duffaut, quarante-sept ans, revient d'un week-end épuisant chez ses parents. Elle a hâte de retrouver son mari, sa fille et sa situation de chef d'entreprise. La place à côté d'elle est libre. S'y assied, après une légère hésitation, Philippe Leduc. Cécile et lui ont été amants vingt-sept ans auparavant, pendant quelques mois. Cela s'est très mal passé. À leur insu, cette histoire avortée et désagréable a profondément modifié leurs chemins respectifs. Tandis que le train roule vers Paris et que le silence s'installe, les images remontent. Ils ont une heure et demie pour décider de ce qui les attend...

    J'étais tombée sous le charme de l'écriture de Jean-Philippe Blondel en lisant Le groupe qui fut pour moi un coup de cœur. L'auteur met toujours en avant la complexité de la vie et des relations humaines en mettant à nu leurs sentiments profonds.
    Ici, nous avons affaire à une situation des plus banales : un voyage en train où un passager s'assis au coté d'un autre passager inconnu. Mais Cécile et Philippe ne sont pas des inconnus; ils se sont connus vingt-sept ans auparavant; bien qu'ils se reconnaissent mutuellement, aucun n'engage la conversation. Pourquoi?

    Chaque chapitre alterne entre le point de vue de Cécile et celui de Philippe. Comme tout humain normalement constitué, ils commencent par constater les effets du temps sur leur voisin(e). Puis ils remontent le fil de leurs souvenirs : leur première rencontre, les moments passés ensemble, la rupture, la vie d'après...

    J'ai beaucoup apprécié Cécile et j'ai trouvé sa rancœur légitime. De son côté, Philippe m'a plutôt inspiré de la pitié (au sens mélioratif). Jean-Philippe Blondel maîtrise tellement la description des sentiments humains qu'on ne peut détester aucun de ses personnages; chacun a sa part d'ombre et de lumière, des qualités mais aussi des défauts. C'est également brillant d'avoir su créer une certaine tension et l'envie de connaître les secrets des protagonistes, et surtout le désir maladif de les voir se parler; car aucun des deux ne semble décidé à franchir le pas...

    C'est un roman que j'ai lu d'une traite. L'exercice de style est très intéressant à suivre, mais le fait que le livre soit si court  fait qu'il sortira malheureusement rapidement de ma mémoire. Je vous le conseille néanmoins si vous avez une heure à tuer, rien que pour découvrir la plume de M. Blondel.

     

    Note : 

         Quand j'ouvre les yeux et que je tourne un peu la tête vers la droite, c'est un cataclysme. Il est méconnaissable. Vieux, d'abord. Ridé. Affaissé. Les épaules tombantes. Le ventre proéminent. Une espèce de barbe. Le genre d'homme envers lequel la première chose qu'on ressent, c'est de la pitié. Parfaitement.
         Eh bien.
         Si j'avais su un jour que j'éprouverais de la pitié pour Philippe Leduc, j'en aurais ri. De la haine, oui. Mais mélangée à de la compassion, certainement pas. Si je l'avais appris, cela m'aurait fait beaucoup de bien.


    votre commentaire
  • Le club des feignasses

    Auteur : Gavin's Clemente-Ruiz
    Éditeur : Mazarine
    Date de parution : 28 mars 2018
    Format : broché
    Genres / thématiques : relations humaines, lâché-prise
    Nombre de pages : 324
    ISBN : 9782863744741

     QUE FAIRE...

    • Si vous avez un jour appris une terrible nouvelle et décidez d'aller manger une côte de bœuf pour fêter ça,
    • Si vous avez envie d'être au côté de personnes que vous aimez quand vous en avez besoin,
    • Si vous avez toujours rêvé de retrouver l'amoureux de votre jeunesse,
    • Si vous voulez chanter (faux) sans qu'on vous regarde de travers,
    • Si vous avez un jour fait partir d'un club de plage et que l'envie vous revient 50 ans plus tard ?

    Rejoignez le club des feignasses!

    Rien ne prédisposait Béa, Alice, Sam, Greg et Elisabeth à se rencontrer. Pourtant, ces amoureux et cabossés de la vie, membres d'un club aussi curieux et chaleureux, apprennent vote à se connaître avec leurs failles, leurs richesses et leurs secrets.
    Un roman plein d'émotions, d'optimisme et de tendresse qu'anime une galerie de personnages attachants.

    En tombant sur le titre et la couverture, je m'attendais un roman humoristique, léger, sans prise de tête. Mais le titre est très trompeur; ne vous y fiez pas. "Le club des feignasses" est en quelque sorte un titre métaphorique.

    Les premiers chapitres, qui présentent chacun leur tour les personnages, ne sont pas très réjouissants. Mais l'écriture est agréable, fluide et maîtrisée. Donc on continue la lecture et on est peu à peu entraîné dans ce groupe de personnages extrêmement attachants, tous différents mais avec la même soif de vivre. Béatrice prend naturellement le rôle de leader et entraîne ses camarades dans une aventure humaine qu'ils ne sont pas prêts d'oublier; et nous non plus.

    Ce roman offre une bouffée d'oxygène incroyable. Tous ces gens, dont la vie est loin d'être rose, décident de faire abstraction de leurs malheurs pour lâcher prise et entreprendre des choses qu'ils n'auraient jamais faites avant. On a l'envie viscérale de les voir réussir ! Je suis toujours impressionnée de voir comment, en quelques centaines de pages, un livre peut nous faire passer par tant d'émotions. On rit, on s'insurge, on a les larmes aux yeux, sans jamais tomber dans le mélodrame. Le paroxysme est atteint à la lecture des remerciements de l'auteur, à la fin du livre; d'ordinaire, je ne les lis jamais, mais il me fallait quelque chose en plus à la fin de cette histoire que je ne voulais pas lâcher; ici, je vous assure qu'il faut à tout prix lire les remerciements !

    J'ai été complètement chamboulée par cette lecture. Un très beau roman qui vous fera voir certaines choses différemment.

     

    Le club des feignasses

     

     

     

    Gavin's Clemente-Ruiz et moi
    (Saint Maur en poche 2018)

     

     

     

     

     

    _______________________________________________________

    Note

         A peine le serveur parti, Sam demande : 
         - Mais d'où te vient cet intérêt pour la Vichy Célestins, Béa ? Faut que tu nous expliques.
         - J'adore faire des thalassos. C'est mon péché mignon, avec ma fille, Hélène. Celle que vous avez vue. Un week-end, une semaine, on se roule dans la boue, on se fait tripoter de partout, j'adore ça ! Bon, c'est aussi à Vichy que...
         - Que quoi?
         - Qu'au cours d'une thalasso, j'ai non seulement rencontré le père de ma fille, mais que j'ai conçu Hélène. Tout d'un coup ! Emballé, c'est pesé ! Vlan ! Vous me jurez de garder le secret ? Même Hélène ne le sait pas. Du coup, à chaque fois que je bois un Vichy Célestins, je repense à ce beau moment... Promis, hein ?
         Tous hochent la tête d'un air de connivence. On dirait qu'on vient de leur donner le code nucléaire. Le serveur apporte les Vichy Célestins.
         - Je vous ai dit un secret. Allez, à vous. Ce sera le pacte de notre club.


    votre commentaire
  • Nous deux à l'infini

    Auteur : Fleur Hana
    Éditeur : Harlequin
    Collection : &H
    Date de parution : 7 mars 2018
    Format : numérique
    Genre/thématique(s) : romance adulte
    Nombre de pages (de l'édition papier) : 324
    ISBN : 9782280393881 (numérique) / 9782280391597 (papier)

    Elle est incapable d’aimer un autre homme que lui.
    Il est incapable d’aimer tout court.

     

    Lola aime Dante. C’est une vérité universelle depuis qu’elle a croisé son regard, treize ans plus tôt, alors qu’ils étaient encore adolescents et que Dante sortait avec sa grande sœur. Aujourd’hui, elle décide de tenter le tout pour le tout  : elle va le séduire, quitte à se faire passer pour une femme qu’elle n’est pas vraiment, une femme que Dante laissera entrer dans ses nuits.

    Dante n’aime que lui. C’est une vérité indiscutable depuis la trahison qui a fait voler sa vie rêvée en éclats. L’homme qu’il était a disparu  ; désormais, il enchaîne les coups d’un soir et est devenu ce que la vie a fait de lui  : un sale type. Mais, lorsque Lola déboule au milieu de la nuit, il lui ouvre, même s’ils ne se sont pas parlé depuis huit ans. Cette fille est toujours la gamine insupportable, capricieuse et envahissante de ses souvenirs, mais elle a ce truc indéfinissable qui le touche. Alors, quand elle lui demande de l’héberger, il accepte.

    J'ai toujours été déçue par les romances érotiques, à une exception près (Black Lies d'Alessandra Torre). Nous deux à l'infini est devenue l'exception n°2.

    Le plus gros point fort de ce roman est sans conteste ses personnages. Dante, trentenaire, employé hospitalier le jour, gogo dancer la nuit, est diablement sexy et sans attache. Jusque là, rien d'original. Sauf que ce bellâtre n'est ni autoritaire, ni agressif, ni égocentrique et n'est pas traumatisé par un sombre passé; et cela n'enlève rien à sa virilité et son sex appeal, bien au contraire. Il est plutôt posé, un tantinet cynique et drôle. Bref, il m'a fait cent fois plus fantasmer qu'un Christian Grey ou autre personnage abject. Lola a une personnalité plus "classique" mais il est facile de s'identifier à sa situation : amoureuse du mauvais garçon depuis des années mais dans l'impossibilité de s'en détacher. Elle n'a cependant rien de la vierge effarouchée; car pour faire craquer cet homme qui la considère comme une gamine, il va falloir sortir le grand jeu... Vous l'aurez compris, ce couple m'a plu.

    La deuxième chose qui m'a séduite, c'est la plume de l'auteure. J'ai rarement lu des romans qui me fassent autant rire : situations gênantes, dialogues cinglants, vacheries entre colocataires... Tout y est et c'est un régal! Les moments de doute, d'incertitudes et de tentatives de résistance sont également très prenants et font naître un besoin maladif de connaître la suite. J'ai malheureusement trouvé les scènes de sexe légèrement en dessous : courtes et un peu simples. Mais je remercie gracieusement l'auteure de ne pas les avoir agrémentées de dialogues niais et mielleux.

    De manière générale, l'histoire n'est pas trop fleur bleue. Elle est juste belle, passionnée et surtout crédible. Ce dernier point compte énormément dans mon appréciation d'une romance. Celle-ci est parfaite si vous souhaitez une histoire qui échappe aux clichés récurrents des histoires d'amour modernes. Merci à Fleur Hana de nous proposer autre chose.

     

    Note

          Son sourire s'élargit et elle s'approche avant de se pencher et de ramasser quelque chose par terre. Son sourire devient triomphant, je n'aime pas du tout. Elle manigance quelque chose et je sais d'expérience que, lorsque Lola prépare une entourloupe, ça se finit toujours mal. Elle se redresse et agite au bout de son index le slip en skaï doré qu'elle a trouvé sur le sol. J'ai dû balancer ça hier, avant d'aller me doucher. Ce n'est pas comme si c'était bien rangé chez moi...

         - Tu as quelque chose à me dire, Dante? me demande-t-elle en arborant une moue faussement choquée. [...]
         - Oui Lola, j'ai quelque chose à te dire : tais-toi. Je suis en train de me réveiller et tu parasites mon environnement. Alors juste... ferme-la.
         Je replonge dans mon café, ayant définitivement besoin de plus de munitions avant de poursuivre cette conversation. Mais Lola n'a jamais su comprendre quand elle devait s'arrêter. Elle est du genre à te harceler jusqu'à ce que tu craques et lui dises ou fasses ce qu'elle attend de toi, juste pour qu'elle te lâche un peu. Alors au lieu de choisir la prudence, elle me rejoint sur le lit et s'installe à côté de moi en rebondissant un peu. Mon café déborde et je jure en sentant des gouttes sur ma main.
         - Putain, Lola!
         Elle se contente de faire tourner le slip sur son doigt, sans cesser de sourire tandis que je m'emporte : 
         - Toi et moi, dans ce studio, dans une dizaine de mètre carrés... ça ne va pas être possible.


    3 commentaires
  • Hors de portée

     

    Auteur : Georgia Caldera
    Éditeur : J'ai lu
    Année de parution : 2014
    Format : semi-poche
    Genre/thématiques : romance, érotique
    Nombre de pages : 480

    Sa spécialité? Fuir toute relation. Et on peut dire que Scarlett est docteur ès "disparition au petit matin". Inutile de lui parler de relation sérieuse, confiance et stabilité, elle en est incapable. Si investissement il y a, c'est dans la société de décoration d'intérieur qu'elle vient de créer avec sa cousine, ancienne mannequin déjantée, et qui lui prend le plus clair de son temps. Pourtant, face à son nouveau client, le très entêté et séduisant M.Mufle-Connard, plus connu sous le nom d'Aidan Stern, le savoir de Scarlett ne lui sera d'aucun secours. Mais parviendra-t-il vraiment à guérir les blessures du passé?

     Difficile à satisfaire en matière de romance, je me suis pourtant lancée dans cette lecture, l'écriture de Georgia Caldera m'ayant déjà convaincue dans Les Larmes rouges.

    Nous faisons la connaissance de Scarlett, jeune femme aux formes gracieuses approchant la trentaine. Elle habite Paris depuis peu, dans la maison de sa mère récemment décédée. En ce début de roman, c'est un personnage plutôt agréable à suivre : indépendante, ambitieuse, légèrement complexée sans en être obsédée. Face à elle, Aidan, alias LE stéréotype du mâle de romance : beau, riche, sûr de lui, autoritaire, protecteur (personnellement, j'aurais plutôt dit possessif) et qui est profondément meurtri par des événements passés. Vous l'aurez compris, ce type d'hommes est loin de me faire fantasmer et je trouve que les histoires construites avec sont toutes répétitives.

    La première partie du roman comportant la rencontre et la phase de séduction reprend un grand nombre de codes de la romance traditionnelle à quelques exceptions près. Par exemple, le jeune homme connaît déjà la demoiselle et c'est lui qui provoque délibérément la première rencontre (et bien sûr, celles qui suivront). La magie opère, la tension monte grâce au langage sensuel de Georgia Caldera qui s'amuse à repousser plusieurs fois le moment fatidique du premier baiser.

    Les lectrices gourmandes trouveront leur compte en matière de scènes de sexe. Elles sont relativement nombreuses, diversifiées et très bien écrites. J'avoue avoir moi aussi été victime de quelques bouffées de chaleur.

    Malheureusement, la suite de l'histoire m'a peu à  peu déçue à cause de la tournure mélodramatique que prennent les événements et le romantisme trop exagéré dans plusieurs scènes. Disputes et réconciliations sous la couette à outrance, révélations des multiples traumatismes des personnages... Ceux à qui ça plaît seront plus que comblés; de mon côté, cela m'a vite lassée.

    En somme, ce livre ne sort pas des sentiers battus de la romance. Une histoire classique aux scènes érotiques pourtant sublimées par la plume de l'auteure.

     

    Note :

     

           Les sourcils d'Aidan s'incurvèrent et un sillon douloureux, que Scarlett aurait aimé pouvoir immédiatement effacer, apparut entre eux.
           - Je refuse d'entendre de pareilles absurdités! s'exclama-t-il en plaçant son autre main de l'autre côté de la figure de Scarlett, l'emprisonnant tout à fait. Non! Si tu dois sortir avec quelqu'un dans cette boîte, c'est moi, un point c'est tout!
           Presque brutalement, il se plaqua contre elle, si puissamment qu'elle en eut le souffle coupé... tandis que celui d'Aidan s'affolait déraisonnablement.
           - Ne me rejette pas, je t'en prie, murmura-t-il en observant sa bouche avec une convoitise flagrante. J'ai commis plusieurs erreurs samedi, je le reconnais. J'ai voulu aller trop vite et je me suis éloigné de ce qui était prévu. Je n'aurais pas dû. Mais c'est ta faute. Mais c'est de ta faute... C'est toi qui m'a fait oublier tous les vautours qui rôdaient autour de nous... et c'est toi qui m'a posé toutes ces questions. Mais je saurai être indulgent moi aussi, et patient, si c'est ce dont tu as besoin.
           La jambe impérieuse qu'il avait glissée entre les siennes, ainsi qu'une certaine partie de son corps, plus rigide encore que le reste, qu'elle sentait pressée contre son ventre, clamaient l'exact inverse.
           - Ça n'est pas l'impression que tu donnes, bégaya-t-elle, incapable de le repousser.
           Scarlett tremblait des pieds à la tête, fébrile -effrayée ou bien émoustillée, elle n'en savait rien- à l'idée de ce qu'il allait advenir d'elle dans les prochaines secondes.
           - C'est parce-que ce baiser-ci m'est dû et que je n'en peux plus de l'attendre, susurra-t-il en s'inclinant vers elle.


    1 commentaire
  • Aphrodite et vieilles dentelles

     

    Auteur : K. Brunk Holmqvist
    Éditeur : J'ai lu
    Format : poche
    Année de parution : 2017 (2016 en GF)
    Genre/thématiques : humour, histoires familiales
    Nombre de pages : 288

    Tilda et Elida Svensson, 79 et 72 ans, célibataires, mènent une vie à la routine paisible. Elles font des confitures, vont à l'église et se couchent chaque soir exactement à la même heure. Pas de commodités à l'intérieur de leur maison vétuste : les toilettes sont au fond du jardin, l'eau est à tirer au puits. Tout change à l'arrivée d'un nouveau voisin, Alvar Klemens, ou plutôt de son chat : le félin est pris de frénésie sexuelle en mangeant une des plantes d'Alvar, que celui-ci entretient avec un engrais curieux. Et si elles tenaient avec ce produit l'occasion de s'offrir enfin des W.C. dignes de ce nom ? La révolution est décidée : les deux dames montent un business clandestin d'élixir aphrodisiaque...

    A priori, en lisant le résumé du livre, on pense tomber sur une histoire bourrée d'humour et complètement décalée. Pour ma part, j'ai peu ri durant ma lecture mais l'histoire de ces deux sœurs m'a profondément touchée.
    Ayant vécu toute leur vie ensemble et résidant toujours dans la maison de leur enfance, le temps s'est comme figé pour elles, et elles vivent à plus de 70 ans comme elles le faisaient à 10. Les vieux bibelots envahissent les placards, la chambre de leurs défunts parents est restée telle quelle, elles portent toujours leurs vieux vêtements et elles ont même conservé leur trousseau de mariage alors qu'elles sont, en fin de compte, toujours restées célibataires. Pour finir, comme toutes "petites vieilles" qui se respectent, elles ont un emploi du temps routinier et réglé comme du papier à musique. La façon dont l'auteur raconte tout cela est très émouvant, presque triste, même si les sœurs semblent se complaire dans cette vie.
    L'arrivée de leur nouveau voisin va faire l'effet d'une bombe! Elles vont avoir envie de changement : sortir, s'acheter de nouveau vêtements, changer certaines habitudes et... boire! Elles qui n'en avaient pas l'habitude, elles vont être invitées à de multiples soirées festives chez le voisin et en rentrer dans des états jovials. Cette rencontre leur donne une seconde jeunesse; on ignore exactement pourquoi car Alvar n'est plus très jeune non plus et il n'y a pas la moindre envie de séduction chez l'une ou l'autre des deux sœurs; mais peu importe : elles revivent et tous leurs nouveaux petits plaisirs sont un ravissement pour le lecteur.
    On met vite l'histoire du jeune frère aigri, impuissant, goinfre et macho au second plan. Les vedettes du livre sont indéniablement Tilda et Elida. Leurs chamailleries, leurs plans, leurs commérages, leur complicité sont parfaitement retranscrits et laisser rêver les lecteurs membres d'une fratrie à des liens familiaux aussi forts dans le futur. En lisant les petites habitudes de Tilda et Elida, j'avais l'impression de revoir des scènes entre ma grand-mère et sa sœur.

    Ceux qui espèrent y trouver quelques situations cocasses y trouveront quand même leur compte, mais je retiendrai surtout de ce roman que c'est une comédie bienveillante et qui donne le sourire.

     

    Note

           - Il a belle allure, notre nouveau voisin, commenta Elida tandis qu'elles trempaient leurs biscottes dans leur café du soir.
           - Tu crois qu'il est célibataire? s'ensuit Tilda. Après tout, nous n'avons vu personne d'autre.
           - Ils vont arriver après, répondit Elida. C'est toujours comme ça avec les femmes de la ville. Oui, quand les meubles sont en place et que le terrain a été nettoyé.
           - Il a l'air d'un homme marié, convint Tilda en aspirant la biscotte de café entre ses gencives dénudées.
         En effet, leurs dents atterrissaient dans le verre à 20h15, lorsqu'elles faisaient leurs préparatifs de coucher. Elles estimaient toutes les deux que sucer les biscottes ramollies par le café était délicieux et procurait d'agréables titillations.
         En réalité, elles n'appréciaient guère leurs dentiers, mais elles aimaient en disposer pour manger leur steak du dimanche. Et puis, elles s'accordaient à dire que c'eût été de jeter de l'argent par les fenêtres que de les laisser dans le verre le reste de la semaine. Aussi les portaient-elles avec abnégation - sauf pour le café du soir. Là, elles éprouvaient un plaisir presque coupable, oui, presque comme si elles se trouvaient dévêtues, et il arrivait que Tilda lance un regard furtif vers le verre posé sur le fourneau.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique