• La maison des reflets

     

    Auteur : Camille Brissot
    Éditeur : Syros
    Année de parution : 2017
    Format : broché
    Genre : science-fiction
    Nombre de pages : 352
    Tranche d'âge : à partir de 15 ans

    Depuis 2022, les Maisons de départ ressuscitent les morts grâce à des reflets en quatre dimensions qui reproduisent à la perfection le physique, le caractère, et le petit je-ne-sais-quoi qui appartient à chacun. Les visiteurs affluent dans les salons et le parc du manoir Edelweiss, la plus célèbre des Maisons de départ, pour passer du temps avec ceux qu'ils aimaient. Daniel a grandi entre ces murs, ses meilleurs amis sont des reflets. Jusqu'à ce qu'il rencontre Violette, une fille imprévisible et lumineuse... Bien vivante.

     Voilà un livre qui aborde un sujet délicat qui touche la sensibilité de chaque lecteur : la mort.

    Daniel est un adolescent qui la contemple tous les jours : son père est propriétaire d'une maison de départ. Il "vit" donc avec sa mère morte, son grand-père mort, et ses meilleurs amis sont des reflets qu'il n'a même jamais connus de leur vivant puisqu'il n'est jamais allé au-delà des frontières de la demeure. Glauque, n'est-ce pas? Cette ambiance malsaine et fascinante à la fois enveloppe tout le roman et finit d'installer le décor. J'avais parfois l'impression d'être dans une histoire de Tim Burton. Je trouve d'ailleurs que l'histoire se prête plus à un univers steampunk que futuriste, mais c'est un détail.

    Malgré son contexte familial particulier, Daniel est un adolescent comme les autres : à la fois sensible et révolté, rancunier envers un père dévoué à son travail. Rencontrer Violette lui fait voir le monde sous un jour nouveau. Elle est douce, rêveuse et franche; un personnage qu'on apprécie très vite et qui va évidemment obnubiler le jeune homme. Pourtant, mon personnage favori est indéniablement Madame Elia, la gouvernante stricte mais bienveillante. C'est également la seule qui est contre les maisons de départ et les reflets.

    Par la suite, on a un peu de mal à comprendre dans quelle direction l'auteur veut nous emmener : entre les conversations épistolaires avec Violette, les péripéties dans la maison et les secrets qu'on cache à Daniel depuis toujours, on ne sait pas exactement quel est le fil conducteur de l'histoire. Les lettres échangées prennent finalement le dessus sur le reste aux deux tiers du roman. Malheureusement, le mystère qui se cache dessous se devine à des kilomètres. Malgré l'ambiance particulière que j'ai vite appréciée, le reste du roman n'offre pas beaucoup de surprises ou de rebondissements.

    Le sujet reste des plus intéressants et suscite énormément de débats. Si vos proches décédés pouvaient "reprendre vie" sous forme de reflet, tenteriez-vous l'expérience?

     

    Note

     

           La pièce se transforme, les cloisons s'effacent, la luminosité fluctue. Je suis au centre d'un antique cirque romain, dans un pays écrasé par le soleil. A quelques mètres de là, la mer lèche la plage dans un doux clapotis. Mes yeux s'attachent au vol gracieux d'une mouette. Non, trop estival pour mon humeur. Mon index glisse sur l'écran, sélectionne un autre décor. La mer disparaît, remplacée par une nuit sans fin. Au-dessus de moi, les étoiles dessinent des constellations que je tente de reconnaître. Il n'y a plus d'autre bruit que celui du vent qui effleure les hautes herbes de la lande alentour. Je m'assieds sur la première marche des gradins, transformés en un cercle de pierres inspiré de ruines celtiques, et je prononce à haute voix plusieurs noms : Elliott, Mona et Matthias.
           Elliott est le premier à se montrer. Sa silhouette fluette se découpe en ombre chinoise sur la toile nocturne, en haut de l'amphithéâtre.
         - Salut, Dan!
         - Salut, mec.
           Sa voix me paraît plus enfantine que d'habitude. Il est vêtu d'un jean trop large pour lui et d'un tee-shirt rayé. Sa peau semble encore plus pâle à la lueur des étoiles. Il m'adresse un large sourire, dévoilant ses dents du bonheur, descend les marches et se laisse glisser dans l'herbe.
           Elliott avait huit ans quand il est mort, renversé par un chauffard sur le chemin de l'école. Je me souviens de la joie que j'ai éprouvée lorsque mon père a créé son reflet... C'était la première fois que je me  retrouvais quelqu'un de mon âge. On est tout de suite devenus les meilleurs amis du monde.


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  • Le complot du trident

     

    Auteur : Tristan Koegel
    Éditeur : Didier Jeunesse
    Année de parution : 2017 (octobre)
    Format : numérique
    Genre : historique, policier
    Nombre de pages (en format papier) : 192
    Tranche d'âge : à partir de 12 ans

    Dans le port d’Ostie, le trafic maritime est bloqué par un navire inconnu.

    Publius et son neveu Lucius enquêtent. Ils ne vont découvrir à son bord que des cadavres, morts de la peste. À leur cou, un pendentif en forme de trident. Rome est menacée et la peste n’est que le premier fléau infligé à la ville et à ses habitants. Une enquête haletante débute pour le duo…

    Merci à NetGalley et aux éditions Didier pour leur confiance.

     

    Dans ce roman, nous sommes plongés dans une sombre affaire de meurtre au cœur de la Rome Antique. Qui a tué l'empereur? Y aurait-il un lien avec ces cadavres découverts sur le bateau d'Ostie? Et que signifient ces symboles de trident aperçus sur les murs de la cité et au cou de plusieurs individus?

    Tristan Koegel nous plonge dans une enquête palpitante, avec de multiples rebondissements, interrogations, révélations, etc. C'est un plaisir de voir les héros évoluer dans cette cité antique où le décor est bien planté (les rues, le port, le palais, la prison, etc) et où on perçoit l'omniprésence des dieux et la peur qu'ils suscitent. C'est une joie de se suivre les pérégrinations de Lucius et de son oncle, entre ville et campagne. L'auteur semble avoir couché les mots sur le papier avec une facilité déconcertante.
    Lucius est un jeune homme instruit et courageux. D'abord dans l'ombre de son oncle Publius, très charismatique, il va finalement se débrouiller seul et le faire plutôt bien. J'apprécie énormément Publius : il est franc, très intelligent, perspicace et possède un superbe sens de la répartie. Lucius, comme tout adolescent normalement constitué, se laisse plus dominé par ses sentiments, quitte à commettre des erreurs de jugement.
    Certaines révélations de la fin sont devinables à l'avance, ce qui ne l'empêche pas d'être théâtrale et explosive.

    C'est un livre que je n'avais pas prévu de lire et que j'ai choisi un peu par défaut, mais le hasard a très bien fait les choses. J'ai adoré cette lecture et la recommande chaudement.

     

    Note


          Publius et Lucius rejoignirent rapidement le navire et se hissèrent à bord. L'odeur infecte qui s'en dégageait était insupportable, mais ça ne semblait pas contrarier l'enquêteur. Pour Lucius, c'était autre chose. Il se couvrait le nez pour empêcher la nausée qui lui piquait la gorge de remonter. C'est que, en plus de l'odeur, il avait maintenant devant lui les chairs putrides des cadavres entassés sur le pont. Il distinguait ça et là des membres couverts de plaques et de pustules, des corps pétrifiés dans leur agonie. Certains marins avaient le visage figé dans une abominable grimace. D'autres avaient le ventre aussi gonflé que si on leur avait fait boire de force une amphore tout entière. Lucius ne put se retenir plus longtemps et vomit par-dessus le pont.
       "Enfin, Lucius! Maîtrise-toi un peu!
       - Je voudrais bien, oui... répondit le jeune homme tandis que son oncle inspectait minutieusement chaque corps. Qu'est-il arrivé à ces pauvres marins?
       - Regarde, du sang a coulé de leurs narines..."
           Du bout de sa sandale, Publius repoussa la nuque du cadavre qu'il venait d'enjamber et la tête du mort se tourna. Devant son rictus macabre, Lucius sentit à nouveau des remous dans son estomac.
       "Tu as vu sa langue? Elle est blanche. C'est la peste. Ils sont tous morts de la peste! A moins que... Ressaisis-toi, Lucius! J'ai besoin de toi.


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  • Inséparables

    Auteur : Sarah Crossan
    Éditeur : Rageot
    Année de parution : 2017
    Format : broché
    Genre / thématiques : drame, vie quotidienne
    Nombre de pages : 416

                                                            Grace et Tippi. Tippi et Grace.
                                                            Deux soeurs siamoises, deux ados inséparables,
                                                            entrent au lycée pour la première fois...

                                                            Elle me dit : "On peut aller au lycée,
                                                            et avoir un boulot,
                                                            et conduire une voiture et nager et partir en rando.
                                                           Tu sais que je te suivrai
                                                           n'importe où, Gracie.
                                                           Tout ce que tu veux,
                                                           dis-le-moi,
                                                           et on le fera.
                                                           On peut tout faire,
                                                           Ok?"

                                                           Je lui réponds : "Ok."

                                                          "Mais ce qu'on ne pourra jamais,
                                                                        jamais faire,
                                                                       c'est tomber amoureuses.
                                                          C'est clair?"

     

    Voilà un roman bien singulier, dans le fond comme dans la forme. Les rayons de littérature ado/young adult débordent d'histoires d'adolescents malades, handicapés, différents, etc. C'est la première fois qu'on a affaire à des siamoises (en tout cas, à ma connaissance).

    Si vous avez peur que le roman tombe trop dans le pathos, avec des personnages qui se plaignent tout le temps à cause d'une malformation mal décrite dont l'auteure ne connaît absolument rien, soyez rassurés. Sarah Crossan explique qu'elle s'est longtemps documenté avec des témoignages de siamois, de leur famille et de leurs médecins. Résultat, on lit un roman simple, sans fioriture, avec des héroïnes qui ont conscience de leur différence mais qui ne comprennent pourquoi est-ce tant un problème pour les gens "normaux". L'auteure a une telle aisance avec son sujet et avec sa plume qu'on se met aisément à la place de Tippi et Grace; on ressent la même angoisse qu'elles à l'idée d'aller étudier dans un établissement public, la même incompréhension face à certaines réactions, la même gêne face aux sacrifices faits par leur famille, etc. C'est captivant du début à la fin!

    La forme du texte, en vers libres, donne une vraie clarté au texte, une importance à chaque mot qui le composent. On n'est jamais décontenancé par cette forme inhabituelle qui donne une musique, un sens poétique au récit. Il n'y a pas de grandes péripéties ou de situations rocambolesques, mais ce livre n'en a nul besoin. Le récit du quotidien des deux sœurs est tellement bien abordé qu'il suffit à construire une histoire passionnante. J'ai même trouvé l'historie d'amour complètement secondaire.

    Malgré leur statut de jumelles, Grace et Tippi ont une personnalité très différente, ce qui les rend chacune attachante à leur façon et qui nous fait tant redouter l'issu de l'histoire... Je donnerai peu de détails à ce sujet pour ne pas spoiler les futurs lecteurs. Je dirai simplement que c'est une fin intense, ouverte, en quelque sorte, car on a peu d'éléments nous laissant deviner l'avenir des personnages. C'est aussi à ce moment que le titre prend tout son sens.

    Inséparables est un roman coup de poing, original et brillant. C'est un bel ode à la tolérance et à l'amour filial.

     

    Note

     

                                        Qu'est-ce que la mocheté?

                                         J'ai été dans tellement d'hôpitaux, j'en ai vu des
                                            horreurs :
                                         un gamin au visage à moitié fondu,
                                         une femme au nez arraché, aux oreilles
                                         pendantes
                                                   comme des tranches de bacon.

                                         C'est ça que les gens appellent moche.

                                         Pas moi.

                                         J'ai appris à être moins cruelle que ça.

                                         Mais je sais ce que Tippi veut dire.

                                         Les gens nous trouvent grotesques,
                                         surtout de loin,
                                         quand ils nous voient comme un seul être,
                                         ces deux corps distincts
                                                    qui se confondent,
                                                    tout à coup,
                                                    à la taille.

                                         Mais si on nous prenait en photo, juste tête et épaules,
                                         à partir de ces portraits,
                                         la seule chose que les gens remarqueraient, ce serait
                                            qu'on est
                                            jumelles,
                                                    l'une - moi - les cheveux mi-longs,
                                         l'autre -Tippi -un peu plus courts,
                                         le nez retroussé toutes les deux,
                                         sourcils exactement circonflexes.

                                         C'est vrai qu'on est différentes.

                                         Mais moches?

                                         Allez.

                                         Me faites pas rigoler.


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  • Au taf

    Texte / Dessin : Vaïnui de Castelbajac
    Éditeur : Delcourt / Tapas
    Année de parution : 2017
    Genre : BD humour
    Nombre de pages : 128

     Recrutements, réunions, fusions, fêtes de fin d'année, collègues envahissants, Vaïnui invente un quotidien absurde qui fait pourtant écho à des situations bien réelles. On s'amuse des aventures et mésaventures d'un patron impitoyable et de ses employés malmenés, et de leurs échanges francs et grinçants ! Mais la partie bonus, "Bêtes de travail", consacrée aux animaux, déborde de tendresse !

    Les patrons tyranniques ont enfin droit à leur BD!

    Même si votre patron est un amour et que vous ne vous sentez pas concerné par le sujet principal de cette oeuvre, vous vous reconnaîtrez peut-être dans l'addiction à la machine à café ou dans les réunions qui partent dans tous les sens. On a bien évidemment affaire à de l'humour noir agrémenté de beaucoup de cynisme. Le tout est extrêmement drôle. Certes pages, en juste un dessin et une phrase, donnent immédiatement le sourire.

    Pour ceux qui ne seraient pas adeptes de cet humour avec critique des conditions de travail sous-jacentes, la dernière partie du livre présente le même type de gags mais adapté aux animaux. On est beaucoup plus dans l'absurde, mais me concernant, c'est toujours aussi efficace, voire encore plus.

    Les décors de bureau sont facilement reconnaissables, les dessins proches de la caricature, et le contour des vignettes comme tracé à main levée donne un effet léger, non conformiste.

    Pour moi c'est le genre de livre humoristique diablement efficace et dont je ne me lasserai jamais. Et je ne me plaindrai plus jamais de mes conditions de travail!^^

     

    Note

    Au taf

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  • Le grand jour

     

    Texte / Dessin : François Roussel
    Éditeur : Glénat
    Collection : p'tit Glénat
    Année de parution : 2017
    Format : format moyen, couverture rigide
    Nombre de pages : 32
    Tranche d'âge : à partir de 3 ans

    C'est un grand jour pour la petite coccinelle. Elle doit apprendre à voler de ses propres ailes mais elle a peur... très très très peur...

    Sa maman réussira-t-elle à lui faire prendre son envol ?

    Comme le laisse deviner la couverture, cette petite coccinelle est vraiment toute mignonne. Les traits sont simples, la police d'écriture l'est tout autant et donne un sentiment de légèreté. Le jeu de couleur entre le noir, le blanc et le rouge vif est très joli, et les yeux de l'héroïne grands ouverts sur le monde lui donnent un air très expressif. On le voit notamment à sa réaction quand sa maman lui dit qu'il est grand temps de voler. Elle fond en larmes et donne à sa mère une énumération de choses qui la terrifient. La maman cède pour cette fois... consciente pourtant qu'elle n'est pas si loin du but.

    L'histoire est gentillette, la fin amusante. Cet album est idéal pour encourager les têtes blondes qui ont peur de se lancer dans l'inconnu et de "voler de leurs propres ailes".

     

    Note

    Le grand jour

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